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LA CITE DES MORTS

Au début l’ère arabe les pratiques funéraires, vont ressurgir avec la naissance d’un immense quartier funéraire, la Karafah El-Kobra, à l'Est de Fostat où se multiplient les tombes à coupoles, les mausolées et les mosquées. Dans ce lieu d'inhumation, qui était aussi un espace de pratiques religieuses liées à la mort, les morts et les vivants ont fait bon ménage à différentes occasions comme les fêtes religieuses ou les enterrements mais ils n'ont pas vraiment cohabité en permanence.

L'extension de la Karafah va se poursuivre et s'amplifier au cours des époques fatimide, ayyoubide et mamelouke. Chaque dynastie dotera la capitale de l'Egypte d'un nouveau cimetière et marquera l'espace de la mort par des édifices civils, religieux et funéraires de plus en plus fastueux. A la veille de la conquête ottomane, ces cimetières, qui s'étaient soudés, formaient une énorme agglomération funéraire qualifiée par de nombreux voyageurs de «< ville dans la ville » Son peuplement est comparé à celui d'Alexandrie.

Les Fatimides (960-1171), nouveaux conquérants chiites venus de l'Afrique du Nord, construisent de luxueuses demeures funéraires pour leurs princes et leurs martyrs, renouant ainsi avec les vieilles habitudes pharaoniques. A ces sépultures sont adjointes des mosquées, dont une aile est réservée à l’hébergement des nécessiteux,

La multiplication des fondations civiles et religieuses dans la Karafah nécessite l'installation d'infrastructures et des services qui la transformer véritables espaces de villégiature. Les vivants se mettent à y faire des séjours de plus en plus longs, à l'occasion des enterrements, des fêtes religieuses, mais aussi des fins de semaines, passant la nuit du jeudi à vendredi à réciter le Coran, y prenant leurs repas, dressant des tentes et selon leurs moyens se construisant de véritables maisons funéraires avec des commodités plus nécessaires aux vivants qu'à leurs morts. L'aménagement et l'entretien de cette cité des morts demandaient un personnel important, y logeant en permanence.

                     

Vues de la cité des morts cliquer sur les losanges pour les agrandirs

Sous les princes mamlouks (1250-1570) chaque souverain « se plaisait à effacer son devancier par la magnificence d'une sépulture plus grande que toutes les autres ». Les complexes funéraires ressemblent à de petites cités fortifiées  avec leurs enceintes et leurs dépendances. Simultanément waqfs se multiplient d’une façon démesurée. Dans ces conditions il est normal que les cimetières attirent les pauvres de la ville qui bénéficient de la prodigalité déployée par les Mamelouks. A la fin de cette époque, l'énorme cité des morts du Caire dont les limites géographiques dépassent ses limites actuelles, a achevé son développement : lieu d'hébergement des nécessiteux, de plaisir et de détente pour les princes mamlouks et les notables urbains, elle était une étape obligée pour les pèlerins allant à La Mecque, les caravanes d'où la naissance de quelques caravansérails et restaurants.

 Waqf : Donation faite à perpétuité par un particulier à une œuvre d'utilité publique, pieuse ou charitable. Le bien donné en usufruits est dès lors placé sous séquestre et devient inaliénable.

 L'armée de Bonaparte fait cesser ces pratiques en 1798, pour des raisons d'hygiène. Les cimetières intra-muros sont rasés et leurs ossements transférés dans la mosquée El Ezam où ils sont encore conservés de nos jours.

Mohamed Ali (1805-1841) se fait construire, un somptueux mausolée familial, flanquée de six coupoles. Son exemple sera suivi par l'aristocratie, puis par la bourgeoisie et les classes moyennes. De vastes demeures funéraires comprenant plusieurs corps de bâtiments, des commodités (cuisines et cabinets de toilette) se multiplient dans la Karafah, appelant de nouveau l'habitat en permanence des gardiens et suscitant les convoitises des sans-abri.

                                          

Dès la fin du siècle dernier, Le Caire a connu toutes les manifestations de la crise urbaine : croissance démographique accélérée, exode rural, spéculation foncière et immobilière,

En 1867 les travaux de modernisation de la capitale avaient impliqué des démolitions importantes au cœur de la ville médiévale. Une partie habitants quartiers rasées trouva refuge dans les gourbivilles (bidonvilles) et les cimetières

De 1897 à 1927 de grands travaux d'infrastructure favorisent la construction de lotissements privés et de développement des banlieues, et parallèlement l’exclusion des plus pauvres.

La hausse vertigineuse des prix des terrains au cours de ta période des grandes spéculations foncières (1900-1907), conduit à l'expulsion des couches populaires, y compris dans les quartiers les plus pauvres. Cette spéculation effrénée se conjugue avec l'explosion démographique et l'exode rural pour aboutir à une grave crise du logement.. Dans ces conditions l'afflux des plus pauvres dans les cimetières ne peut que se poursuivre .

En 1913 le premier lotissement public ouvrier est délibérément implanté dans « l'espace de la mort ». Cette opération est suivie en 1917 par l’implantation d’un lotissement privé. À partir de cette date, les terrains vacants des cimetières vont désormais représenter un enjeu considérable, tant pour les sans-abri, que pour les nazirs (gérants) des Waqfs, les croque-morts, les gardiens des tombeaux et des monuments funéraires.

                                  

En 1937, la nécropole de l'Imam el-Chafei est dotée d'une ligne de tramway et contribue en partie à la croissance rapide de son peuplement.

Entre 1937 et 1947, le Caire double presque sa population en dix ans, passant de 1300000 à 2800000 habitants. Après la seconde guerre mondiale, la fermeture des usines et des camps de travail créés pour les besoins des Alliés entraîne la mise au chômage de centaines de travailleurs. Cette situation entraîne un véritable raz-de-marée vers les cimetières. Le nombre des habitants logeant dans les tombes est multiplié par cinq en 10 ans.

Entre 1950 et 1966 le Caire l'une des plus grandes villes du continent africain ne cesse d'augmenter ses capacités d'accueil et d'attirer de nouveaux migrants. En dépit des efforts notables de l'Etat dans le domaine de l'habitat, la ruée humaine qui a submergé la ville a débordé sur les cimetières. De véritables petites cités avec leurs écoles, postes de police, marchés, commerces, activités artisanales sont érigées au milieu des tombes dans l'entassement et la surdensité comme dans la ville médiévale. Elles deviennent inaccessibles aux bourses modestes d'une population rescapée d'habitats insalubres ou d'immeubles effondrés.

La révolution égyptienne a confisqué les meubles des chapelles-résidences privées dans les tombeaux des grandes familles. Dans le vaste tombeau de l'émir Hussein Kemal a Al-Ghafir on installe des classes d'enseignement préparatoire et secondaire. La tombe d’un prince devient une l’école primaire d'AI-Emamein, une autre toute proche un centre d'aide sociale. Au début des aimées 60 pour construire une clinique on songea même à raser une partie importante de la nécropole des mamelouks. Les vivants, selon un vieux dicton, ont une priorité sur les morts.

Les Tombeaux des Califes

Les Tombeaux des Mamelouks appelées "Tombeaux des Califes", sont les mausolées-mosquées funéraires des grands souverains du Moyen Âge arabe. C'est ici que les Mamelouks circassiens et arabes ont presque tous été inhumés.

 

Tombeaux des califes en 1839 (David roberts)

COMPLEXE IBN BARQUQ    Construit entre 1400 et 1411, le complexe d'Ibn Barquq est le plus grand des monuments funéraires de la nécropole du Caire (4650 m2). Ce mausolée est celui de Farag, fils du sultan mamelouk Barquq. Il comprend un mausolée, une mosquée, un khanqah (monastère), une madrassa, (école) et un sabil (fontaine). La façade principale est surmontée de deux minarets élancés qui, en termes de beauté des proportions et de complexité de décor, sont considérés comme deux des plus beaux exemples de minarets mamelouks.

Le sultan al-Dahir Barquq a été inhumé dans le mausolée du nord-est. Ce mausolée a également reçu les dépouilles des fils du sultan. Dans le mausolée du sud-ouest sont inhumées l'épouse la fille du sultan

MOSQUEE D'AYED BAY  Cette belle mosquée est située au milieu des Tombeaux des Califes dans le Cimetière du Nord. Le Sultan mamelouk al-Nasr Qaytbay régna de 1468 à 1496, il se fit construire ce joyau de l'architecture mamelouk tardive en 1474. Cette mosquée avec sa madrasa est l’une des plus novatrices de l’Égypte islamiqueLe dôme est l'aboutissement de l'art décoratif mamelouk avec ses décors combinant motifs géométriques et arabesques. La cour donne sur la salle de prière. De chaque côté de cette salle se trouve un dôme. Sous le premier se situe les tombeaux du sultan et de ses fils et sous le second ceux de leurs femmes. Il inclue une mosquée, un sabil, un kuttab.La mosquée en 1839  (par David Roberts)

COMPLEXE DE HAWCH AL-BACHA  : Le complexe fut construit en 1820 par Mohammad Ali pour y accueillir notamment les tombeaux des membres de sa famille et de ses serviteurs.. Le 1er mars 1811 Mohammad Ali fit massacrer à la citadelle 500 chefs mamelouks. Par la suite, il fit déposer leurs corps dans le complexe Hawch al-Bacha.