Complexe Qalawun
Le Mausolée en arrère plan la mosquée du sultan Barquq ◊
Le Sultan al-Mansour Seif al-Din Qalawun
Qalâwûn était un mamelouk turc. Le Prince ayyoubide `Ala’ Ad-Dîn Aqsunqur l’acheta pour mille dinars, d’où le surnom de « Al Qalâwûn -Alfî » (alfi = mille). Après la mort du prince, sous le règne du sultan al-Muizz Aybak, il s'enfuit d'Egypte et se rendit en Syrie. A la mort du sultan al-Muizz Aybak, il retourna en Egypte. Promu au rang de Commandant suprême des armées il prit part à la bataille d’Ain Jalut. Enfin, il accéda au trône en 1279. Il choisit le titre de al-Mansour Seif al-Din Qalawun (le Roi Victorieux). Peu après avoir vaincu le dirigeant de Damas et annihilé les Tatares, il fit régner l’ordre en Egypte et en Syrie. Connu pour être un souverain sévère, son règne dura environ onze ans. Il mourut en 1290 E et fut inhumé dans son propre mausolée en forme de dôme. Dans la dynastie des Mamelouks, le pouvoir n’était pas héréditaire. Le choix du dirigeant reposait en effet sur les qualités personnelles, la capacité militaire, le leadership et le nombre de partisans. En vertu de ces conditions, la dynastie de Qalâwûn dura longtemps.
Alors qu'il se trouvait dans le Cham (région recouvrant Syrie, Jordanie, Liban, Israël et Palestine), Qalawun était tombé malade. Il fut traité avec des médecins venus du maristan de Nour al-Din à Damas qui le sauvèrent. Il visita ensuite cet hôpital, qui l'impressionna, et fit alors le vœu de construire un établissement similaire au Caire
Le Complexe
Il fut bâti dans les années 1280 en moins de deux ans par al-Mansour Seif al-Din Qalawun Cet ensemble marque les débuts d'un type architectural nouveau qui remplissait plusieurs fonctions. Celui-ci se compose d'un mausolée, d'une madrasa et d'un hôpital (maristan). Situé sur la principale artère du Caire médiéval, à l’emplacement de l’ancien palais occidental fâtimide.
La façade principale donnant sur la rue mesure 67 m de long et 20 m de haut. Construite en pierre, elle est rythmée par une importante arcature soutenue par des piliers de marbre, percée de baies à décor d'entrelacs géométriques. Un bandeau épigraphique qui court sur toute la longueur donne le nom du commanditaire, ses titres et la date de la construction.
L’entrée principale de ce magnifique ensemble se situe sur le boulevard Al-Muizz Li-Din Allah. Les deux pans de la porte sont couverts de plaques de cuivre percées et gravées de beaux ornements. Cette entrée donne sur un long couloir qui sépare la mosquée mausolée de la madrasa.
Ouvrant sur la rue al-Muizz, importante avenue du Caire médiéval, la façade se compose de deux parties : au Sud, celle correspondant à la madrasa forme un décrochement et comprend le portail d’entrée. Une fontaine, ajoutée en 1326 par le Sultan An-Nâsir Muhammad en mémoire de son père Qalâwûn, fait saillie au coin de la façade de la madrasa, et se poursuit par une colonnade le long du mur reliant les deux parties de la façade. La façade entière est divisée en panneaux arqués, les arches étant soutenues par des colonnes de marbre. Au centre de chaque panneau sont percées deux fenêtres : la fenêtre supérieure dispose de grilles de stuc percé, aux belles formes géométriques tandis que la fenêtre inférieure à des grilles en fer.
Très longue, la façade n’est pas rectiligne, mais une longue bande d’inscription et une rangée de merlons lui confèrent une unité. Elle comporte de hautes niches peu profondes, enfermant chacune trois niveaux de fenêtres. Sans doute importées par les Croisés, celles situées en partie supérieure, rappellent les cathédrales gothiques.
Le Mausolée
Le minaret fut restauré en 1303 par le sultan al-Nasir Muhammad ibn Qalawun à la suite du tremblement de terre de 1302 qui avait provoqué son effondrement. Il porte une inscription donnant la date de sa restauration. Il compte trois niveaux. Le premier et le deuxième sont de section carrée, le troisième est circulaire, avec un décor d'arcs entrelacés.
Le mausolée est sans doute la partie la mieux préservée du complexe. Une cour entourée d’arcades donne accès à la salle sous coupole, richement décorée d’incrustations de marbres et de nacre. Un moucharabieh entoure les cénotaphes, au centre.
C’est peut-être le plus ambitieux et sans doute le plus original des mausolées mamlouks. Il a été bâti en quatre mois seulement, et abrite le cénotaphe de son commanditaire.
Le mausolée est à la droite du grand couloir. Il y a deux entrées, l’une directe depuis le couloir et l’autre depuis une petite cour. L’accès principal se trouvait à l’extrémité d’un corridor central. Le visiteur traversait ensuite une petite salle sous coupole, puis une cour ouverte avec une fontaine en son centre avant de pénétrer dans la pièce principale par une porte en moucharabieh surmontée d’un important décor de stuc.
Les fenêtres au-dessus de la deuxième entrée sont entourées d’un beau cadre en stuc. Par ailleurs, une autre entrée ouvre directement sur le mausolée. La partie centrale est recouverte d’un dôme, soutenu par un anneau de quatre digues et quatre colonnes de granit aux chapiteaux dorés. L’agencement est tel que deux colonnes alternent avec deux digues. Le lambris des murs et des piliers est en marbre de couleur décoré de formes incrustées élaborées. Une bande d’inscriptions en lettres d’or orne ce lambris de tout son long. Les versets du Coran ainsi que la date de la restauration de1908 y sont mentionnés.
Le Sanctuaire presque carrée, est couvert d’une coupole reposant sur un tambour octogonal, reposant lui-même sur quatre colonnes en granit à chapiteaux dorés et quatre piliers en brique habillés de marbre fin incrusté de nacre. Ensemble, ils définissent un espace octogonal au centre duquel se trouve la tombe d'al-Mansour Qalawun et de son fils, al-Nasir Muhammad, qui régna à trois reprises (de 1294à 1340).. Des rinceaux de vigne courant sur les murs et l’emploi de petits arcs de mosaïque de verre dans le mihrab évoquent la Grande Mosquée de Damas.
Les murs sont revêtus de marbre incrusté de nacre, un des exemples les plus raffinés de ce type de travail du marbre dans l'architecture islamique d’Égypte. Le mausolée possède un mihrab de 7m également décoré de marbre et de nacre, qui est l'un des plus grands d’Égypte
En 1303, un grand écran de bois fut ajouté autour de la partie centrale du tombeau, à la demande du sultan al-Nâsir Muhammad ibn Qalâ’un. Il est réalisé selon la technique du moucharabieh, « petites bobines de bois tourné assemblées sans clous ni colle ». Cette technique était une spécialité du Caire sous les Mamelouks, et a continué à être pratiquée sous les Ottomans pour orner les fenêtres ou servir de cloison
Le minaret fut restauré en 1303 par le sultan al-Nasir Muhammad ibn Qalawun à la suite du tremblement de terre de 1302 qui avait provoqué son effondrement. Il porte une inscription donnant la date de sa restauration. Il compte trois niveaux. Le premier et le deuxième sont de section carrée, le troisième est circulaire, avec un décor d'arcs entrelacés.
La Madrasa
La madrasa se situe en vis à vis du mausolée. Elle disposait d’une entrée au fond du couloir central, condamnée de nos jours. Malgré son état de conservation lacunaire, son plan peut être restitué : le visiteur pénétrait tout d’abord dans un petit vestibule qui menait à une grande cour. Autour de celle-ci s’ordonnaient quatre iwans de tailles très différentes, deux n’étant que des renfoncements, alors que celui situé à l’Est constitue une véritable salle de prière. Entre ces iwans se situaient les cellules des étudiants, réparties sur trois niveaux.
La salle de prière est séparée de la cour par une arcade à deux niveaux surmontée d’un oculus, qui rappelle des modèles déjà connus dans le monde byzantin. Les trois arcs annoncent son plan, basilical à trois nefs. Les arcs brisés sont élevés sur de hautes colonnes antiques de granite rose pourvue de chapiteaux corinthiens et rehaussées par des bases et des impostes.
Le décor de la salle de prière est principalement constitué de stuc sculpté. Ce matériau, né dans l’antiquité, est fréquemment employé dans l’architecture islamiste de brique iranienne comme en Egypte et en Espagne (palais de l’Alhambra, XIVe siècle). On le retrouve parfois en Europe, notamment sous les Carolingiens. Dans la madrasa du complexe de Qalâ’un, comme dans le mausolée, le stuc prend la forme de longs bandeaux sculptés de motifs végétaux, ornant les arcs et formant des oculi fermés de claustras. Le stuc se déploie aussi largement sur le mur qiblî, couvrant presque entièrement la paroi, aboutissement d’une tendance née sous les fâtimides. Deux types de motifs sont combinés, l’un composé de rinceaux végétaux, l’autre géométrique. Rayonnant autour d’étoiles à six ou huit branches, ils rappellent l’art du bois, très développé chez les Mamluks.
Le mihrâb, moins grand que celui du mausolée, est flanqué de deux colonnes qui supportent un haut arc en plein cintre. De plan outrepassé, la niche est décorée de marbres et surmontée d’une demi-coupole entièrement couverte d’une mosaïque à fond d’or qui rappelle l’art byzantin et les grandes réalisations architecturales omeyyades .
Le mâristân
Au IXe siècle, de grandes fondations médicales charitables existaient à Baghdâd et au Caire.. Celles-ci se sont ensuite répandues dans le monde islamique, et en particulier en Syrie. Lors d’une campagne militaire, le sultan Qalâ’un aurait été soigné dans le mâristân de Nûr al-Dîn à Damas, dont il se serait ensuite inspiré pour créer son propre hôpital.
Selon l’acte de waqf, il était gratuit et destiné à tous les musulmans, sans distinction de classe sociale, d’âge ni de sexe, ainsi que le précise son acte de fondation ; chaque patient disposait d’un lit propre, ainsi que de nourriture et de médicaments préparés par des pharmaciens.
L’hôpital autrefois était le plus somptueux et impressionnant de son temps. Il resta en activité jusqu’a la fin de la période ottomane, avant d’être abandonné et largement détruit en 1910, pour y installer un nouvel hôpital. « Le Waqf ou Wakf ou Vakıf, est, dans le Droit islamique, une donation faite à perpétuité par un particulier à une œuvre d'utilité publique, pieuse ou charitable. Le bien donné en usufruit est dès lors placé sous séquestre et devient inaliénable »
Le mâristân de Qalâ’un était organisé autour d’une cour sur laquelle ouvraient quatre grands iwan. Ce plan remonte peut être à des constructions bouddhiques d’Asie Centrale. Très utilisé dans le monde iranien dès avant l’Islam, il se diffuse à partir du XIIe siècle dans le monde méditerranéen, en liaison avec le concept de madrasa.
Il resta en activité jusqu’au XIXe siècle, avant d’être abandonné et largement détruit en 1910, pour y installer un nouvel hôpital.
Bibliographie
Behrens-Abouseif, Doris. Islamic Architecture in Cairo. 1989.
Creswell, K.A.C. The Muslim Architecture of Egypt. vol. II. 1978.
Behrens-Abouseif, Doris, Islamic Architecture in Cairo, an Introduction, Leiden, E.J. Brill, 1989.
Blair, S., Bloom, J., The Art and Architecture of Islam, 1250 – 1800, University Press, 1994.