TOMBE DE NAKHT
La tombe TT52 est la demeure d'éternité d'un certain Nakht, scribe et prêtre des heures d'Amon. Son hypogée est de dimensions modestes et sa structure est typique de la XVIIIe dynastie; une cour à ciel ouvert précède la porte qui donne accès à un vestibule, puis au caveau creusé dans la roche. La tombe s'enfonce dans la montagne thébaine vers le Nord-Nord-Ouest, Le vestibule est légèrement désaxé suivant davantage l'orientation Est-Ouest. Seule cette dernière pièce est décorée, et le style des peintures qui en ornent les murs a permis de dater la tombe de la fin du règne de Thoutmosis IV, ou du début du règne de son fils et successeur, Amenhotep III. Dans le mur du fond du caveau une niche abritait une statue stélophore du défunt. (Une statue stélophore représente un personnage agenouillé ayant sur ses genoux, une stèle gravée.) Nakht y était figuré à genoux, présentant devant lui un hymne au soleil levant, en direction de la porte d'entrée où point chaque matin l'astre du jour. Norman de Garies l’expédia en Amérique, elle sombra dans l’atlantique, car le bateau qui l'amenait fut torpillé.
Plan
Le Vestibule
Mur Est
Nous sommes à l’intérieur du vestibule, on regarde vers la porte Est donnant sur la cour.
Côté Sud : Il comporte deux registres.
Registre supérieur Il occupe la plus grande partie du mur et est scindé en quatre sous registres. Le premier, représente Nakht suivi de son épouse devant une grosse pile d'offrandes accumulées sur une natte et occupe toute la hauteur du registre.
Sous registre 1
Le couple de défunts est représenté en en taille dite héroïque, dos au fond de la tombe, où ils sont censés résider. Nakht, debout, nu-pieds, répand de l'huile essentielle de myrrhe contenu dans un grand vase bleue sur les offrandes (pain, bière, bœuf, volaille, bœuf, paniers de raisin, de figues). Son cou est orné d'un gorgerin, et ses poignets de bracelets. Sur son pagne blanc, il porte une tunique transparente laissant voir ses jambes. Dans le texte au-dessus de lui on peut lire que son épouse Taouy, (la chanteuse d'Amon, Juste de voix) à une place dans son cœur. Elle porte le collier menât, et tient un sistre hathorique dans une main.
L’orientation des offrandes en direction de la porte d'entrée, là où l'astre du jour apparaît tous les matins, semble bien désigner le soleil comme destinataire privilégié de l'offrande.
A côté et en-dessous de la scène d'offrande de la paroi de droite se trouvent des représentations d'activités agricoles. De l'autre côté de la porte, sur le mur sud-est, des produits des champs et de la nature sont évoqués derrière le couple officiant, mais cette fois à finis, prêts à la consommation, et présentés par des porteurs d'offrandes différents
Sous registre 2
Un bœuf sacrifié, reposant sur une natte est en train d'être dépecé par deux bouchers. le membre antérieur droit, le khepresh, servira au rituel de l'ouverture de la bouche. Un serviteur offre à Nakht deux cônes de graisse.
Sous registre 3
En haut la scène de vannage. La séparation des grains et des impuretés est réalisée par six agriculteurs. A l'aide de deux écopes ils projettent le grain dans le vent qui sépare la balle du grain. Deux autres sont penchés à terre, l'un remplit ses écopes, l'autre ramène le grain dispersé vers le tas central. Ils sont tous vêtus d'un pagne court et portent sur la tête une coiffe pour se protéger de la poussière.
En bas
Deux serviteurs mesurent le grain trié et en font des tas sous la surveillance d’un contremaitre. Les pieds de ces trois personnages sont dissimulés, enfouis dans l'amoncellement des grains. La différence de hauteur des deux tas de grains assouplissent et dynamisent l'image. Les colonnes destinées au texte sont restées vides.
A droite
Nakht est sous un kiosque en roseaux supporté par des colonnes papyriformes ornées de fleurs de lotus. Assis sur son siège, il observe ces deux étapes finales. Dans sa main droite il tient sa canne de fonction. Sa main posée sur sa cuisse, tient une pièce de tissu repliée. Il porte une tunique pratiquement transparente.
Sous registre 4
Trois moissonneurs, faucille à la main, s'avancent dans les hauts blés afin de les couper. Leur progression vers la droite est suggérée par leur orientation et par leur bras tendu vers un espace demeuré vide. Derrière eux, une jeune glaneuse ramasse les épis tombés à terre, qu'elle dépose dans un panier. A sa gauche deux ouvriers s'efforcent de refermer une grande hotte excessivement remplie, montrant l'abondance des récoltes sur les terres de Nakht. Le premier bras et les épaules rabattus maintient avec vigueur le panier , l’autre saute sur le trop plein pour le tasser. Plus loin, deux jeunes filles cueillent du lin. Le fond végétal passe du jaune au vert du jaune paille faisant ressortir l'éclatante blancheur de leurs robes
Registre inferieur
Les scènes sont organisées autour d'une ligne de sol ondulée; celle-ci représente les ouadis encore gorgés d'eau, lorsque le Nil en décrue vient de se retirer. Elles décrivent la saison des semailles.
En haut de droite à gauche : 1) Deux paysans défrichent un champ. L'un coupe à la hache des arbustes, l’autre bine et enlève les mauvaises herbes. 2) deux paysans courbés armés d’une houe, sont en train de travailler le limon fertile. Une fois biné celui-ci est ensemencé.
En bas de gauche à droite : 3) Deux paysans sont dans un champ éloigné du Nil, ils cassent les mottes de limon qui ont durci, une fois biné celui-ci est aussi ensemencé. 4) Scène de labour, deux bouviers dirigent leur attelage l'un vers l'autre. A gauche, le bouvier est jeune et dynamique, un fouet dans une main il conduit son attelage avec une attitude noble. A droite le bouvier est âgé, atteint d’une calvitie il est courbé sous le poids de l'effort. On retrouve un semeur qui ici est nu.
Côté Nord : Il comporte seul registre. Ici le couple n’est pas décédé comme l’indique la courte barbe des vivants de Nakht.
A gauche Des serviteurs répartis en trois sous registres apportent des offrandes (animaux et denrées alimentaires, tiges de papyrus, raisin, gibier d'eau, gazelles et même un veau.)
A droite Taouy et Nakht occupent avec le texte d’accompagnement toute la hauteur du registre, Celui- a quatre colonnes effacées certainement par les adorateurs d’Aton : Nakht verse symboliquement des résines odoriférantes (rien ne s'écoule du vase) sur la pile des offrandes qui est pratiquement identique à celle du côté Sud. Il n'y a plus les bouchers dépeçant le veau , celui-ci reposant sur une natte est prêt à être consommé.
Dans les tombes, une stèle fausse porte était placée contre la paroi Ouest de la chapelle (ou le soleil se couche pour entrer dans le domaine des morts). Elle s’ouvrait donc à l’Est (ou le soleil se lève dans le monde des vivants). Les Egyptiens croyaient que l'âme du défunt pouvait librement entrer et sortir de la tombe par la fausse porte. Les textes inscrits sur les montants proclamaient les bonnes actions et les réalisations des propriétaires.
Registre supérieur
Il est organisé en sept sous registres. Un registre central représentant une stèle fausse porte est sur ses côté latéraux par six registres.
La Fausse porte : Nakht n'ayant pas eu les moyens de s’en faire graver une, elle est peinte et de type à corniche à gorge. Ses couleurs (rose moucheté de rouge, de gris et de blanc) imitent le granit rose. Dans les tombes on disposait à ses pieds, une lourde table d’offrande en pierre, sculptée, sur laquelle les prêtres disposaient les offrandes destinées à la survie éternelle du défunt (nourriture, boissons, étoffes, parfums), chacun des cinq sens étant ainsi sollicité. L’âme venant symboliquement du monde des morts, prenait possession des offrandes et rechargeait son énergie vitale nécessaire à sa survie éternelle.
Ici, au centre supérieur de la stèle, un tableau représente la table d'offrande.
Les six registres Six personnages agenouillés, les bras levés, font une offrande. Leurs attitudes sont communes, mais leurs présents sont différents. On remarquera toute fois que sur chaque rangée les personnages en vis-à-vis ont un présent identique. (De haut en bas : grappes de raisin, bols évasés, un bouquet de fleurs).
La composition du registre est à nouveau réglée par la symétrie égyptienne. Les deux déesses sycomores (Nout) présentent un amoncellement de victuailles et de la bière. Elles portent sur la tête le sycomore. Elles amènent de très grandes tiges de papyrus enroulées de liserons. Norman de Garis Davies a proposé de voir dans les tiges de papyrus non seulement une plante, mais aussi le signe hiéroglyphique qui exprime la verdeur, la fraîcheur et la bonne fortune. Aux deux extrémités du registre, deux porteurs amènent des offrandes. Note En raison de son bois incorruptible le sycomore est associé à la mort et à la résurrection. Dans un premier temps il fut associé à la déesse du ciel Nout, cependant, au fil du temps, l'arbre a également fini par être associé à Hathor et Isis, les trois dames sycomore.
Mur Ouest
Côté Nord : Le mur nord-ouest est décoré du thème classique du banquet funéraire, en relation avec la Belle Fête de la Vallée: en effet, le centre sémantique de la scène, l'acte décrit par l'inscription, est l'offrande d'Amenemopé, fils de Taouy, qui donne au couple de défunts, parmi de nombreux présents, un bouquet monté qui semble être celui d'Amon, que l'on apportait aux trépassés à l'occasion de cette fête
Registre Supérieur
1 Nakht et Taouy Le couple Nakht et Taouy assis sur un banc sont serrés l’un contre l’autre et tiennent dans leur main droite la même fleur de lotus. Ils se réjouissent le cœur à la vue des spectacles qui leur sont présentés (chasse et pêche) ainsi que de l'offrande (amoncellement de nourriture) qui repose sur une natte. Sur la paroi leurs deux visages ont été mutilés par des adorateurs d’Aton.
2 Chasse et pêche dans les marais. Les deux scènes se font face et se situent dans les marais du delta qui abritent, au sein d’épais fourrés de papyrus, une multitude d’oiseaux de toutes sortes, papillons, libellules, poissons.
Sur la gauche, Nakht le chasseur s'apprête à lancer son boomerang sur les canards. Un oiseau a déjà été touché, un autre est maintenu dans sa main gauche. En symétrie à droite Nakht le pécheur est représenté sans son harpon. De part et d’autre des deux poissons placés dans la partie basse du tableau, deux oies ont été délibérément détruites à l’époque d’Akhenaton car elles étaient l’un des animaux sacrés d’Amon. Nakht est représenté dans une grande taille et une posture noble. Dans les deux représentations de Nakht, une jeune femme agrippe une de se ses jambes et tient une fleur dans l’autre main.
Nakht est accompagné de sa femme Taouy et de trois enfants. À droite, sa fillette se retourne vers son père pour attirer son attention. A gauche son jeune fils se tient à l'avant de la petite barque en roseau ; sa mèche de l'enfance pend sur le côté de sa tête. D’une main il tend un boomerang à Nakht, tandis que de l'autre, il empoigne un une prise qu'il a ramassée. De nombreux détails paraissent inappropriés et incohérents. Les personnages sont parés de leurs habits de fête, (perruques et bijoux,) Les frêles esquifs surchargés risquent de chavirer au moindre mouvement, une oie reste bien sagement à la proue du bateau alors que ses congénères sont en pleine débâcle, cherchant à échapper à l'inévitable massacre.
L'interprétation de cette scène peut se faire sur deux plans. L’un est celui de la représentation des joies de la chasse et de la pêche, l’autre est considéré par de nombreux égyptologues comme une protection pour conjurer le mauvais sort. C’est un moyen de détourner les forces maléfiques du chaos et du désordre afin de ne pas perturber la renaissance du défunt dans le ventre de la déesse mère ou le précieux liquide protecteur du fœtus est assimilée à l'eau du marais. La présence de l’épouse et de la fille du défunt doit stimuler sa sexualité afin qu'il soit capable de renaître de ses propres œuvres.
Registre inférieur
L’alimentation des défunts. Nakht et Taouy regardent plusieurs activités : la vendange, le pressage, la capture d’oiseaux, le plumage de la volaille. Quatre porteurs vêtus à l'identique d'un pagne blanc apportent des produits issus de ces activités.
Vendange : Dans l'ombrage rafraîchissant du vignoble, deux vendangeurs cueillent les grappes dans attitude digne et sans mouvement excessif, le premier, au ventre bedonnant est âgé et a une tignasse ébouriffée. Le deuxième plus jeune, a les cheveux crépus des habitants de la Haute Egypte.
Pressage
Le raisin récolté est placé dans un pressoir et foulé par des vignerons qui ont pris place dans le petit kiosque; le jus ainsi obtenu est placé dans des jarres figurées juste à côté. La couleur de peau des cinq personnages est alterné afin qu'on les distingue mieux.
Capture des oiseaux
Un filet rhomboïdal contenant de la nourriture est placé dans le marais. Les oiseaux attirés par celle-ci, s’y posent en nombre. Au signal du guetteur les trois chasseurs tirent violemment sur une corde qui fait tomber le filet sur les oiseaux.
Plumage
Assis sur un tabouret, un homme plume des oiseaux qu’il empilés devant lui. Son compagnon les prend pour les vider puis les pends à une barre pour les faire sécher. Une fois secs ils sont conservés dans des jarres.
Côté Sud :
Le décor est celui du thème du banquet funéraire en relation avec la Belle Fête de la Vallée. Très mal conservé, il doit sa notoriété au groupe des trois musiciennes du registre inférieur. Les musiciens qui animent le banquet en présence du défunt est caractéristique du décor de la tombe thébaine du Nouvel Empire et sont étonnamment modernes
Registre inferieur
De droite à gauche : Du couple assis sur un banc, il ne reste qu’un chat à robe tigrée en train de dévorer un poisson. Devant lui se dresse une table d'offrandes ou sont empilées des provisions pour assisté à la Belle Fête de la Vallée. A son pied se trouve deux grandes jarres rouges contenant probablement du vin ou de la bière.
Selon le texte les offrandes sont données par 'Amenemopé le fils de Taouy. Parmi les nombreux présents, un bouquet monté qui semble être celui d'Amon, que l'on apportait aux trépassés à l'occasion de ces fêtes,
Représentées avec des proportions plus grandes que celles des invités assis derrière elles, trois musiciennes sont au centre de la composition mettant le groupe musical en évidence. Elles n'atteignent cependant pas la hauteur d’Amenemopé qui les devance. Au centre du groupe les jambes de la jeune luthiste sont orientées vers la harpiste, tandis que le haut de son corps est retourné vers l'arrière, en direction de la flûtiste.
Les hôtes du banquet se répartissent en deux sous-registres, les hommes en haut, les dames en dessous. Les hommes sont assis sur un tabouret et portent tous la même tenue.La scène des femmes est très endommagée.
Registre supérieur
Les convives sont représentées dans des attitudes et des atours très variés, qui animent la scène. À l’arrière, trois invitées sont, agenouillées côte à côte. Une petite servante nue penchée vers l'une d’entre elle rajuste sa boucle d'oreille. Deux invitées échangent des fruits de mandragore ou de perséa avec leurs compagnes. Une Autre porte à son nez une fleur de lotus pour en respirer le parfum. Le fruit de la mandragore ou du perséa et la fleur du lotus sont dans la pensée égyptienne des symboles de renaissance: le lotus exalte l'éblouissante vigueur créatrice du soleil.)
Devant ces dames de qualité, un harpiste aveugle joue de son instrument. On reconnait sa cécité par le trait qu’il a à la place de l'œil, sa bouche signifie qu'il est en train de chanter. Les plis bien visibles de son ventre montrent son embonpoint.
Cette scène de banquet ne représente pas, comme on pourrait le penser une simple fête mondaine; à travers différents signes subtils, elle réunit en une seule et image, et action, la vie et la mort, les vivants et les trépassés, niant ainsi le passage qui les sépare.
Mur Nord
Il comporte deux registres décoré du même thème : Nakht et Touy recevant des offrandes. En de nombreux endroits les scènes sont resté inachevées, l'espace prévu pour les textes à cet effet est resté vide.
Bibliographie
Norman de Garies Davies The tomb of Nakht 1917.
Dimitri Laboury relecture de la tombe de Nakht
Shedid Heidid Abdel Ghaffar, Seidel: "The Tomb of Nakht.