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LE CULTE  JOURNALIER  AU TEMPLE D’EDFOU.

 

Le service journalier, dans son ensemble, se compose de trois services : à l'aube, à midi, à la dernière heure du jour, afin de purifier le temple et tout ce qu'il contient. A la première et à la dernière de ces entrées sont associées des présentations d'offrandes. Ces aliments de la communauté sacrée doivent être purifiés, et consacrés à dieu. Une très faible part des aliments est  introduite sur un plateau, en présence de l'image divine principale dans son sanctuaire. Cette part est laissée devant elle jusqu'au service suivant. Tout le reste « ce qui reste sur la table de dieu, après qu'il s'en est rassasié » est divisée en parts selon les droits de chacun, il constitue le revenu (oudjeb) des prêtres et clercs de service au temple, ainsi que celui de leurs familles.

 

Le premier service du matin est le plus important par sa longueur, la complexité de son rituel parlé,  de ses cérémonies, la masse des offrandes introduites devant le dieu. Le second est le plus simple : il entretient, l’heure importante de midi, la pureté rituelle de la maison divine, et celle des images principales du dieu et des divinités associées à son culte. Le troisième vient au second plan, après celui du matin. II  est un hommage dû, au moment de la tombée du jour, à la divinité. Il  prépare son séjour nocturne hors de la terre des vivants.

 

Service du matin

Les premiers prêtres qui entrent au temple chaque matin sont : le préposé à la chapelle, (le chapelain) qui est aussi celui qui offre l'aiguière. C’est un prêtre de rang inférieur. Derrière lui (1) marche l'officiant principal, (le grand prêtre-pur) (2) qui conduit le rite. Le chapelain  porte une aiguière sur l'épaule. Il vient de la remplir au puits sacré du temple (3). Les deux prêtres pénètrent dans une petite salle, le « cellier pur », sorte d'antichambre entre le corridor qui fait le tour du temple, et la salle hypostyle.

Dans le cellier pur, on allume l'encensoir, on consacre l'eau et les vases sacrés du dressoir, on les purifie par une bouffée d'encens.  

(1) En procession, les prêtres marchent  dans l'ordre d'importance hiérarchique : le plus important dans la cérémonie qui s'accomplit, vient en dernier.

(2) Ce prêtre est le roi en personne, qui célèbre le culte divin, comme fils et successeur des dieux. Le roi, ne pouvant officier tous les jours dans tous ses temples simultanément, déléguait ses pouvoirs au  grand prêtre-pur

(3) Ce puits est encore intact de nos jours .Le porteur  de l’aiguière y descendait, de l’intérieur même du «couloir de ronde» : ainsi rien d’impur ne pouvait l’atteindre, lui ou son vase, quand il remontait avec l’eau. Il franchissait la porte basse ménagée dans la fondation du mur  d’enceinte, après s’être enfoncé en terre par l’étroit escalier parallèle au mur. Il descendait encore un second escalier, suivait un bref couloir horizontal, et débouchait dans le puits, certainement clos, aux temps anciens, en sa partie supérieure. Le corps de maçonnerie est circulaire; des marches basses sont  encastrées au long de la muraille; elles descendent en spirale vers l’eau.  Le puits est alimenté par l’infiltration du Nil, qui monte et baisse suivant la saison : ainsi, quel que soit son niveau, l’eau était toujours facilement accessible.

 

Pendant ce temps, les artisans du domaine sacré terminent leur travail, commencé très tôt, au cours de la nuit. Il faut se représenter ces vastes dépendances comme celles qui se groupaient autour des palais royaux égyptiens. Le dieu de chaque temple est un roi, qui vit et règne en roi de la terre des vivants, autant qu'en maître de l'univers.  Sur le plan divin, l’ennéade du dieu-roi , toutes les divinités du monde invisible, sont les proches et les familiers de sa cour.  Sur le plan humain, les prêtres de haut rang gèrent pour lui les biens de ses domaines, dirigent son cérémonial selon l’étiquette. Les serviteurs, du plus élevé aux plus humbles, le servent par leur travail. L’offrande journalière est confectionné par des boulangers, pâtissiers, brasseurs. Le matin, on abat aussi une bête de boucherie

Venant du  cellier pur,  l'officiant principal, ou « le roi », précédé du  chapelain chargé des vases de purification rejoignent l'officiant portant  l'offrande. Le service commence, au moment où hors du temple, le soleil apparaît au-dessus de l'horizon oriental. Les deux chefs du rite vont se partager la tâche. Le premier purifie l'offrande par l'eau et l'encens. Le second la consacre, par l'élévation des mains vers dieu. Puis ils se séparent, Le premier franchit seul la porte du sanctuaire, pour dire l'office secret. Le second va purifier et encenser les images saintes placées dans le reste de la maison divine, et leur présenter le plateau d'aliments.

 

Le prêtre ne touche pas la statue, il élève les quatre bandes d'étoffe vers elle, l'une après l'autre, en prononçant les formules, puis il tend vers elle la goutte d'huile de sacre au bout du petit doigt, sans qu'il y ait contact. Après les purifications finales par l'eau, le sel et l'encens, le prêtre referme le tabernacle, sans répandre de sable sur le sol car la statue n'a pas touché le dallage.

Le premier officiant, en service journalier, s'acquitte seul de tous les rites dans le sanctuaire. Il allume le cierge, il encense. Il monte à l'escalier du naos, il brise le sceau d'argile, détache le ruban de papyrus et tire les verrous, puis il ouvre les deux battants de la porte, et révèle la face divine. Il écarte le voile, et contemple la statue divine. Il impose les mains sur l'image, et, par quatre fois, encense et se prosterne pour adorer dieu. Puis il fait la toilette de l'image divine : Présentation des quatre tissus blanc, bleu, vert et rouge ; sacre royal par l'élévation d'une goutte d'huile parfumée d'encens. Il termine par les purifications : aspersion d'eau consacrée, présentation du sel de natron en grains, et des boulettes de résine de térébinthe. Il ferme le tabernacle, pousse les deux verrous, et pose les scellés sur la bandelette de papyrus avec sa bague-cachet. Il descend les marches, encense une dernière fois, vide sur le sol ce qui reste d'eau dans l'aspersoir, et se retire, laissant brûler le cierge jusqu'à ce qu'il s'éteigne de lui-même dans le sanctuaire. 

 

Chacune de ces actions successives était accompagnée d'une formule assez courte. Le prêtre récitait ces formules, inséparables de ses gestes et de ses attitudes. Il les psalmodiait, selon toute vraisemblance, et devait connaître l'office entier par cœur. Pendant ce temps, dans tous les autres lieux du temple à l'exception du sanctuaire, le service du second officiant et de ses aides se déroulait sur le même rythme que celui du « service secret ».Le service du matin se terminait par la desserte et la sortie de l'offrande journalière. Revenue devant les comptables du temple, l'offrande consacrée était répartie entre les ayants droit. Après un temps de repos, où le temple restait vide.

 

Le service de midi

Il faisait son entrée, vers la fin de la sixième heure du jour. Il n'y avait aucune présentation d'offrandes. On introduisait une nouvelle aiguière au cellier pur. On consacrait l'eau. On purifiait les vases d'eau consacrée dans toute la demeure divine, en changeant leur contenu. Puis on faisait un encensement et une aspersion devant chaque tabernacle ou naos divin, dans toutes les parties du temple.

 

Le service du soir

Il devait être terminé au moment où le soleil disparaissait. Il comprenait, comme celui du matin, une purification complète, et une entrée d'offrandes alimentaires, produit du travail des ateliers pendant le jour. Cette seconde consécration des revenus journaliers du temple était moins importante "que la première. En particulier, on n'abattait pas une seconde bête de sacrifice. On introduisait les aliments avec le même cérémonial que le matin. Les deux officiants principaux se répartissaient la tâche.

 

La grosse différence était qu'on n'ouvrait pas le sanctuaire central une seconde fois. Après la cérémonie dans la salle de l'autel, le prêtre portant l'encensoir et le vase d'aspersion introduisait le plateau des pains dans une chapelle particulière, le « trône de Râ ». Cette chapelle faisait partie du cercle de celles qui entouraient la « grande place ». Elle était à l'est de cette dernière. On tenait ce lieu pour celui où l'âme de Râ se retirait sur terre pendant la nuit, et d'où elle sortait pour monter au ciel avec le soleil levant. Un court service s'y déroulait, que les inscriptions mentionnent sans en détailler les phases. L'introduction des offrandes du soir n'est attestée, à l'époque ptolémaïque, qu'au temple d'Edfou seulement. La journée liturgique du temple s'achevait avec le service du soir. Les deux portes du couloir qui faisait le tour du sanctuaire central étaient scellées, le soir, comme la porte de ce sanctuaire l'était elle-même après l'office du matin. Puis on fermait toutes les portes donnant sur l'extérieur, et la maison du dieu entrait en son repos nocturne.

 

BIBLIOGRAPHIE

Alliot, Maurice          Le culte d'Horus à Edfou au temps des Ptolémées (1949)

Alliot, Maurice          Le culte d'Horus à Edfou au temps des Ptolémées (1954)

Alexandre Moret      Le culte  divin journalier  1902