LE TEMPLE DE PHILAE
Toutes les aquarelles sont de David Roberts
Parmi les îles granitiques de la première cataracte, un peu au sud de la ville d’Assouan, se dresse le domaine de la déesse Isis, que l’on qualifie souvent comme étant la "Perle de l’Égypte". Bien que le culte d’Isis se perde dans les origines de la civilisation pharaonique, l’édification de ce sanctuaire est très tardive. Mis en chantier par Nectanebo Ier (XXXe dynastie) et ensuite agrandi par les Ptolémées et les Romains, il sera le dernier bastion de la religion égyptienne. Ce n’est qu’en 540 de notre ère, que l’empereur byzantin Justinien, fera fermer le temple et arrêter les prêtres. À cette époque, le temple était alors fréquenté par les Blemmyes, redoutables tribus nubiennes, qui venaient encore y vénérer la déesse Isis. Ce décret sonna le glas de la civilisation de l’Égypte ancienne car, plus personne n’était encore capable de déchiffrer les hiéroglyphes. Les chrétiens s’installeront ensuite sur l’île et transformeront les sanctuaires en églises qui resteront en activité jusqu’au XIIIe siècle.
À son apogée, le site accueillait de nombreux pèlerins qui venaient vénérer la Grande Magicienne dont le culte se répandit jusqu’aux confins de l’Empire, en Gaule notamment. Selon la légende, Isis veillait depuis Philae sur le tombeau de son frère et époux Osiris, construit sur l’île voisine de Biggeh. Située à la porte méridionale de l’Égypte, Philae était le lieu d’accueil de la « Lointaine » lorsqu’elle revenait de la Nubie avec les bienfaits de l’inondation. En se plongeant dans la première cataracte, elle perdait son caractère de déesse dangereuse pour retrouver ses aspects bénéfiques.
Il est l’un des trois temples ptolémaïques les mieux conservés, avec ceux d’Edfou et de Dendérah. L’ensemble des édifices comprend le kiosque de Nectanébo, le temple monumental d’Isis avec ses dépendances, le kiosque de Trajan, l’arc de triomphe de Dioclétien et le petit temple dédié à la déesse Hathor. Ici, l’architecture et les décorations d’origines égyptiennes, grecques et romaines s’harmonisent parfaitement. La plupart des édifices qui étaient peints de couleurs vives, furent encore observés par les voyageurs du XIXe siècle. Malheureusement, petit à petit, elles ont disparues car depuis, l’île était noyée chaque année, par les eaux de retenue du premier barrage d’Assouan construit en 1902. La construction du Haut Barrage n’arrangea pas le problème, les temples furent alors immergés en permanence !
La campagne de sauvetage des temples de Nubie organisée par l’UNESCO, prit en charge le démontage des sanctuaires de Philae pour les reconstruire sur l’île voisine d’Agilkia. Celle-ci fut préalablement remodelée pour lui donner la forme de l’île d’origine. Les travaux durèrent de 1972 à 1980, et aujourd’hui, ce lieu empreint de magie, peut à nouveau nous émerveiller. L'île de Philae accueillera ses premiers sanctuaires dès la XXVème dynastie. Nectanebo Ier, cinq dynasties plus tard, fera construire un sanctuaire au sud-est de l'île, dont il subsiste un kiosque.
Le temple de Philae,, sera, pendant des siècles, le domaine d'Isis, femme, épouse, mère universelle et magicienne qui régnait sur la vie, la mort et la résurrection. En tant que déesse-mère, elle était associée à l'Inondation, dispensant ses bienfaits sur l'Égypte. Son culte sera actif jusqu'au VIème siècle après Jésus-Christ. Selon la légende, Isis engendra Horus, fils d'Osiris, sur la colline émergée, dont le domaine se situe en face, sur l'île de Biggeh. Isis, après avoir rassemblé les morceaux du corps de son époux tué par Seth, fabriquera la première momie qu'elle cachera à Bigeh. Le grand temple de la déesse, théâtre d'importantes fêtes cultuelles, sera l'un des sanctuaires les plus importants d'Égypte et de Nubie. Le mythe d'Osiris restera vivace jusqu'à la christianisation totale de la Nubie par Théodose, en 391 après Jésus-Christ. L'empereur fera fermer tous les temples égyptiens. Le sanctuaire d'Isis rassemblera les anciens fidèles de l'ancienne religion, jusqu'à la sa fermeture par Justinien en 550 après Jésus-Christ.