ESNA LE TEMPLE DE KHNOUM
SITUATION
La cité égyptienne d'Esna, connue durant l'Antiquité sous les noms de Lunyt, Ta-senet puis Latopolis, est située sur la rive ouest du Nil, à environ 55 km au sud de la ville de Louxor.
Le nom grec de la ville, Latopolis, fut donné en l' honneur de la perche du Nil, un poisson abondant dans cette région à l'époque.Deux ponts font office de barrage à Esna : l'un construit par l'Angleterre en 1906 et par l'Italie au début des années 1990.
Beaucoup de ferries naviguent sur le Nil à cet endroit, et on peut croiser des touristes qui empruntent le fleuve pour aller de Louxorà Assouan, et qui passent devant Esna au cours de leurs 155 km de voyage. Le trafic fluvial est très ralenti, étant donné que les différents bateaux doivent se disputer, et négocier, le passage des quelques mètres de largeur de l'écluse.
Les deux principaux éléments touristiques d'Esna sont le souk, qui remplit deux rues entières, et le temple de Khnoum, datant de l'époque ptolémaïque. La construction de ce temple commença sous Ptolémée VIII et se termina durant la domination romaine, sous le commandement de Claude puis de Marc-Aurèle. Le temple, encore en partie enterré, est situé sur un terrain 10 m plus bas que le reste de la ville.

HISTOIRE

Esna est un bien curieux édifice, souvent traité avec négligence par les guides les plus complets. A 58 km au sud de Louxor, la ville d'Esna est un lieu de commerce ; elle fut la capitale d'un nome, dans l'ancienne Égypte, et l'on y vénéra un poisson sacré, évoquant les eaux primitives où s'était formée la vie. Là passaient des caravanes chargées de produits importés du Soudan. On y vendait des chameaux. Centre commercial prospère, surtout au Nouvel Empire, Esna était le point d'aboutissement de pistes joignant la Vallée du Nil aux pays du sud.
Rien de bien exaltant dans tout cela ; lorsqu'on arrive à Esna par le Nil, on quitte le débarcadère pour pénétrer dans les rues d'un gros bourg arabe et l'on se demande où l'on va aboutir. Pas de masse de pierre en vue, pas de temple à l'horizon ; et soudain, c'est la surprise: au cœur de la ville, à 9 mètres au-dessous du niveau de la rue, une grande salle à colonnes (33 x 16,5 m). Seule partie subsistante du temple, elle est curieusement isolée dans ce trou, vestige hors du temps et de l'espace des hommes.
Cette étrange salle à colonnes est tout ce qui a été préservé d'un temple ptolémaïque, ultime avatar d'un édifice créé à la XVIIIème dynastie dans cette cité du dieu bélier Khnoum. Esna sommeille. On n'y verra pas d'immeubles modernes. Artisans et commerçants sont encore à l'heure des siècles passés, loin du progrès. Tout, ici, semble fermé, mystérieux, refermé sur soi-même. La façade de la salle à colonnes offre des murs qui brisent la vue et l'isolent du profane. Les prêtres y pénétraient par des portes latérales.
Les chrétiens transformèrent cette salle en église. Les Arabes l'habitèrentet l'entourèrent de maisons. Au début du XIXème siècle, ils conçurent le projet de la démolir et d'utiliser les pierres pour réparer le débarcadère d'époque romaine. Finalement, on jugea préférable d'utiliser la vieille bâtisse comme entrepôt pour le coton.
C'est dans cet état misérable que Champollion découvrira le temple en 1828. Il est aujourd'hui dégagé, et bien des surprises attendaient ceux qui allaient accorder quelque attention a ce lieu saint.

On pouvait soupçonner l'importance du monument en sachant que Khnoum était l'une des images du Créateur. Il modelait le monde et les êtres sur son tour. Une importante fête locale célébrait la remise du tour au divin potier.
Après la reconstruction du temple par Ptolémée VI, les empereurs romains eurent une affection certaine pour Esna: sur ses murs, on verra Claude, Vespasien, Titus. On y évoque même une sombre histoire romaine, bien étrangère à l'Égypte, le meurtre de Géta, assassiné par Caracalla. Dans la salle à colonnes, construite sous Claude (41-54) et dont la dernière inscription date du milieu du IIIème siècle après J.-C., sont évoqués les mystères essentiels de la religion égyptienne.
Un texte précise d'ailleurs que cette salle est un fourré de papyrus en pierre, un ensemble de colonnes florales s'élevant devant la majesté du dieu bélier Khnoum,le bon berger des habitants de la terre. Il se promène dans ce marais qu'il contemple avec joie. C'est la vie qui jaillit ici, la vie dans son aspect végétal. Grâce à la présence du dieu, la prospérité agricole est assurée.
Khnoum, le bélier créateur, avait deux épouses ; l'une régnait sur la campagne, l'autre était une déesse-lionne. Le dieu-fils était Heka, en rapport avec la magie. Sur son tour, Khnoum modelait dieux, hommes, animaux, oiseaux, poissons, végétaux. Il était apparu sur une butte de terre battue alors que la terre se trouvait encore dans les ténèbres ; le ciel n'était pas né ; le sol ne s'était pas encore solidifié. Eaux et ciel demeuraient confondus.
Quand le Créateur ouvrit les yeux, la lumière jaillit et le cosmos s'organisa. Il "compta" sa terre sainte, l'ordonna selon les Nombres, et plaça l'univers dans son temple. Dans son lac sacré, le Bélier recevait le lotus vivant, constitué de la semence des Huit dieux primordiaux. Mais Khnoum devait aussi utiliser sa puissance contre les forces des ténèbres ; lorsque les hommes se révoltaient contre les dieux, Khnoum savait manier la canne et le bâton pour châtier les ennemis de la lumière.
Khnoum n'est pas le seul maître du temple. A ses côtés règne une mystérieuse déesse, Neit, reine des dieux du ciel, de la terre et du monde intermédiaire. Première née des divinités, apparue à l'origine, elle a pour emblème des flèches croisées, traits de lumière évoquant aussi le tissage dont elle détient le secret. Souveraine de la cité de Saïs dans le Delta, elle a pour animal sacré le poisson latès, symbole de la résurrection ; on a d'ailleurs retrouvé un cimetière de poissons à Esna. C'est sans doute pourquoi la déesse est une excellente nageuse qui évolue dans les eaux de l'Océan des origines ; « elle rendit lumineux les regards de ses yeux, et la clarté fut », explique un texte.
Les textes de la salle à colonnes d'Esna ont pour fonction de révéler les mystères de la création du monde ; dans cet édifice massif, peu accueillant, peu spectaculaire, il a été possible de déchiffrer, non sans difficulté, quelques-uns des écrits hiéroglyphiques les plus essentiels et les plus profonds. Grâce au travail d'un égyptologue français, Serge Sauneron, mort prématurément dans un accident de la circulation en Égypte, on a pu apprécier la profondeur de pensée des initiés égyptiens jusqu'aux derniers souffles de leur civilisation et l'on a pu comprendre comment la terre des pharaons était à la source de l'hermétisme et de l'ésotérisme présents dans le christianisme primitif et au temps des cathédrales.
VISITE GUIDEE



Neith. PLAN Khnoum

En effet, c’est au fond d'un large trou de 9 mètres de profondeur qu’il se situe actuellement. Au cours des siècles, la ville s’est construite autour du temple et compte tenu de son enfouissement progressif, la cité d’Esna se trouve être plus haute que ce site visité par de nombreux touristes. Il faut donc descendre par un escalier afin de pouvoir admirer ce site.







BIBLIOGRAPHIE
Sylvie Cauville Dendara. Le temple d’Isis. 2007
Serge Sauneron Le temple d’Esna, 1969